CINEMATOGRAPHES

Le Bioscope

Dans la première partie de la présente Revue Trimestrielle, spécialement réservée à la théorie, à la pratique et à l’art, se trouve inséré un article portant pour titre : le portrait animé. On y voit que M. Georges Demenÿ, l’ancien collaborateur du Dr Marey, à la station physiologique d’Auteuil, est arrivé à rendre abordable et pratique pour l’amateur, l’analyse et la synthèse de la vie par le procédé chronophotographique. Il a établi, é cet effet, les modèles de deux appareils nettement distincts. L’un destiné à l’analyse et qui porte le nom de Biographe, l’autre à la synthèse et qui se nomme Bioscope.
Le Comptoir Général de Photographie est chargé de construire des appareils d’après ces modèles et de les exploiter.
Dores et déjà, il peut offrir le Bioscope à sa clientèle. Quant au Biographe, sa construction s’achève. Les premiers exemplaires pourront certainement être livré au commerce d’ici à quelques semaines seulement.
Le Bioscope affecte la forme d’une boîte rectangulaire en bois, montée sur un pied fixe. Il constitue un petit meuble peu encombrant, susceptible de trouver sa place même dans l’appartement le plus exigu. Cette boîte est percée, sur ses deux grandes faces, par deux ouvertures circulaires mesurant une dizaine de centimètres de diamètre et telles que leurs axe horizontaux médians sont exactement dans le prolongement l’un de l’autre.
Dans l’une de ces ouvertures, celle qui se trouve sur la face antérieure, c’est-à-dire celle qui sera devant le spectateur quand celui-ci voudra regarder dans l’appareil, est sertie une loupe à fort grossissement ; dans la seconde, celle de la face postérieure, est logé un verre dépoli. Il régularise la lumière introduite dans l’appareil et permet d’isoler l’image synthétique des objets environnants.
De même que l’analyse de la vie est faite par la prise d’une succession de vues, de même la synthèse sera reproduite par une succession d’images.
Pour obtenir cette succession, les images, au nombre de trente et représentées par des photocopies diapositives, sont réparties le long du bord d’un disque de verre et sur l’axe de ses rayons.
Ce disque est percé en son centre d’un trou rodé et exactement calibré au diamètre du pivot de l’appareil, lequel est monté horizontalement au centre de l’intérieur de la boîte rectangulaire. Sur ce même pivot et en avant du disque de verre, appelé à être changé suivant les vues que l’on veut regarder, se trouve, à demeure, un disque de tôle noircie, d’un diamètre très légèrement supérieur à celui des disques de verre, et percé à la presque extrémité de l’un de ses rayons, d’une petite fenêtre, moins large mais aussi haute, que les images dont on doit rétablir la synthèse.
Le pivot soutenant ces deux disques, est monté sur un système d’engrenage que commande, de l’extérieur de l’appareil, une manivelle placée sur son côté droit. Cette manivelle est actionnée à la main. Dès qu’on la met en mouvement les deux disques tournent, seulement le disque de tôle tourne en sens inverse du disque de verre.
Si donc, le spectateur met son oeil contre la loupe du Bioscope et qu’il fasse tourner la manivelle, le passage successif de la fente devant son regard et simultané de la fente devant les images, lui fera voir celles-ci en une image unique et mouvementées, en une image ayant vie.
Comme il y a trente images et que l’impression lumineuse sur notre rétine dure environ un trentième de seconde, on aura la sensation d’un mouvement continu si l’on actionne les disques de façon qu’ils opèrent une révolution complète en une seconde.
Cette rapidité de mouvement et le peu de larguer de la fente du disque de métal exigent un bon éclairage. Le verre dépoli de l’appareil devra donc être tout près d’une fenêtre ou, le soir, tout contre le foyer d’une bonne lampe.
Le Bioscope peut même être utilisé pour la projection.
Dans ce cas, on enlève l’objectif de la lanterne et on l’adapte au lieu et place du verre dépoli, puis on installe la lanterne du côté de l’ouverture dans laquelle la loupe est sertie, de manière que le condensateur de la lanterne soit aussi près que possible de cette ouverture.
On allume la lanterne, on fait le point sur l’écran récepteur et l’on tourne la manivelle.
Nous croyons, lorsque viendra le moment des étrennes, qu’il sera difficile de trouver un cadeau plus neuf ou plus intéressant. D’autant mieux que le Bioscope n’implique pas par sa possession celle du Biographe. Le Comptoir Général de Photographie se charge, en effet, de fournir, à ses possesseurs, des disques tout faits de photocopie diapositives, soit séparés, soit en série.

- Revue trimestrielle du Comptoir Général de Photographie. Novembre 1895

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