Description d’un appareil cinématographique supprimant les trépidations.
Notre collègue, M.G. Maroniez, travailleur infatigable, qui sait
mener de front l’exercice de ses fonctions, des travaux artistiques
très appréciés, la pratique de la photographie, et
dont l’esprit inventif est constamment en éveil, vient d’imaginer
et de construire un appareil cinématographique dans lequel la trépidation
des images est supprimée. Nous sommes heureux de pouvoir en publier
la description et la figure ; nous le remercions vivement de sa communication
et nous lui adressons toutes nos félicitations.
L’appareil cinématographique décrit ci-après
a été créé dans le but d’arriver à supprimer
complètement ou du moins dans la plus grande mesure possible les
trépidations qui existent généralement dans les appareils
similaires.
Ces trépidations sont dues pour la plus grande part à la
raison suivante :
Les cinématographes existants comprennent trois parties :
1° Un
mouvement d’avancement saccadé de la pellicule produisant
des translations et des temps d’arrêt;
2° Un obturateur donnant des ouvertures d’objectifs à intervalles égaux
;
3° un mécanisme rendant des deux mouvements solidaires.
Il est nécessaire, en effet, d’obtenir une concordance absolue
entre eux, de telle sorte que l’arrivée de la lumière
coïncide exactement avec un temps d’arrêt de la pellicule,
qui doit être absolument immobile pendant la pose, comme pendant
la projection ( le même appareil servant la la fois pour la prise
des négatifs et pour la projection des positifs). Ce mécanisme
de liaison est obtenu, soit par des engrenages, soit par des excentriques,
des croix de Sain-André, etc., mais quelque parfaite que soit sa
construction, il est presque impossible de le construire avec une précision
absolue ; en effet, si l’on prend par exemple quinze épreuves
par seconde, chaque seconde devra comprendre quinze translations et quinze
temps d’arrêt, soit trente phases différentes. Si ces
phases sont égales, par exemple d’un trentième de seconde
chacune, il faudra que l’ouverture de l’obturateur, qui devra être
de son côté au plus d’un trentième de seconde
ou plutôt moins, coïncide exactement avec le trentième
de seconde de la période d’arrêt, et cela avec une telle
précision qu’elle ne commence pas une fraction absolument
minime de trentième de seconde trop tôt ou ne se continue
pas trop tard, autrement la pellicule a pu commencer à ce moment
ou continuer, pour si peu que ce soit, son mouvement de translation et
cette quantité, quelque minime qu’elle soit, lorsqu’elle
est considérablement agrandie par l’appareil de projection,
devient visible sur l’écran, et, répétée à chaque
vue, produit la série de scintillations et de trépidations
si désagréables à l’oeil que l’on constate
avec tous les appareils existants.
Il nous a paru que l’on pouvait remédier à cette défectuosité en
supprimant la cause, c’est-à-dire la liaison entre les deux
organes de translation et d’obturation et en n’ayant plus qu’un
seul organe produisant par lui-même ces deux fonctions.
La pièce principale qui réalise cette condition est une boîte
mobile qui sert à la fois d’entraîneur et d’obturateur.
Ce dernier est basé sur le principe des obturateurs de plaque, découvrant,
non pas l’objectif qui reste toujours ouvert, mais la surface sensible
par bande successive sur toute sa largeur.
La boîte A, de forme tronconique, placée derrière l‘objectif,
est mobile autour de tourillons horizontaux BB ; elle est ouverte du côté de
l’objectif : au côté opposé qui est le plus étroit,
elle porte une fente C de trois millimètres de largeur qui, à chaque
oscillation de la boîte, passe près de la pellicule devant
toute la hauteur de la vue à couvrir, et qui est combinée
de telle façon (ainsi qu’il sera dit plus loin) qu’elle
est fermée lorsque la boîte se meut de bas en haut, et laisse
passer au contraire la lumière lorsque la boîte se meut de
haut en bas.
Cette même boîte porte sur sa partie supérieure une
pièce T en forme de T, dont la branche transversale présente
en avant deux petites dents D qui font saillie de cinq à six millimètres,
et sur le côté, un tenon E qui lui sert de guide.
Cette pièce en T peut se mouvoir d’arrière en avant
et réciproquement dans la limite de cinq à six millimètres,
dans une coulisse, de telle sorte que, suivant qu’elle est sortie
ou rentrée, ses dents s’engagent ou non dans les trous F perforés,
qui se trouvent à droite et à gauche des pellicules (perforation
Lumière) qui portent un seul trou double par image. La pièce
T est guidée dans son mouvement alternatif par un tenon G qui est
constamment appliqué au moyen de petits poussoirs à ressorts
H contre une came I fixe placée sur la paroi interne de l’appareil
et qui a pour but de faire rentrer ou sortir les dents suivant que la boîte
descend ou monte, en chassant vivement la pièce T en avant, dès
que la boîte arrive au bas de sa course et en arrière au moment
même où elle arrive en haut.
La fente C est ouverte ou fermée par une languette placée
dans l’intérieur de la boîte A, qui pivote autour d’un
axe horizontal V et qui est relié au moyen d’une branche coudée
R de son axe à une coulisse S qui fait corps avec la pièce
T, de manière que les deux mouvements, renvoi des dents en avant
ou en arrière, et fermeture ou ouverture de la fente, soient solidaires
et simultanés.
Le mouvement de la boîte A est donné par un excentrique K
commandé par une roue dentée à engrenage mise en mouvement
de l’extérieur par une manivelle M.
Il s’ensuit de ce qui précède que, chaque fois que
la boîte se déplace de bas en haut, les dents du T sont sorties
et entraînent une quantité de pellicule égale à la
hauteur d’une vue, la fente étant fermée et par conséquent
la lumière n’agissant pas ; au contraire lorsque la boite
va de haut en bas les dents étant rentrées, la pellicule
reste forcément immobile et la fente étant ouverte permet à la
lumière de l’impressionner.
L’appareil est complété par les deux bobines NN, l’une
de déroulement, l’autre d’enroulement que l’on
peut retirer ou mettre en place avec la plus grade facilité. La
bobine d’enroulement est commandée au moyen d’une poulie à friction
par l’arbre de commande primitif ; elle peut être supprimée
pour la projection.
La pellicule passe, pour la pose, dans une coulisse J, dont l’arrière
s’ouvre à charnière pour permettre d’y introduire
le bout de la pellicule avant chaque opération : la porte d’arrière
est à tiroir ; elle reste en place et ferme complètement
l’appareil pendant la prise des vues, on la retire pour la projection.
Il est facile de comprendre que, au moyen du dispositif ci-dessus, la pellicule étant
mue directement par l’appareil d’obturation lui-même
est nécessairement immobile pendant la durée de la pose ou
de la projection et que la cause principale des trépidations est
ainsi supprimée.
- Bulletin de la Société Photographique du Nord de la France, février 1899.