L’appareil employé dans les cabinets de physique sous divers noms, entre autres celui de zootrope, pour démontrer la persistance des impressions sur la rétine, a été perfectionné par M. Reynaud, il y a une trentaine d’années ; on le trouve dans le commerce sous le nom de Praxinoscope. Plus tard l’inventeur combina son appareil avec la lanterne à projection et, devançant le cinématographe, il montrait sur un écran, au théâtre Grévin, des scènes animées très amusantes ; seulement, au lieu d’être photographiées, elles étaient entièrement dessinées et peintes à la main.
Ces scènes animées ne pouvaient évidemment pas lutter avec celles du cinématographe, aussi l’inventeur a-t-il cédé la place à celui-ci ; mais il n’a pas cessé de perfectionner son Praxinoscope et aujourd’hui il l’adapte au portrait stéréoscopique, de façon à donner une image en relief et animée de la personne représentée.
On sait combien il est difficile de saisir la véritable expression de figure, celle qui donne la caractéristique du sujet. Le plus souvent on est photographié dans une pose apprêtée, avec un sourire forcé, on donne une sensation de gêne qui est presque inévitable avec le traditionnel « ne bougez plus ! » On est figé dans une expression immuable qui est rarement la plus favorable. Aussi, consultez vingt personnes portraiturées, surtout les dames, vous n’en trouverez pas deux qui soient satisfaites ; elles trouveront généralement leurs amies bien réussies, mais elles-mêmes jamais. En fait, quand nous considérons notre prochain, ce n’est pas une expression unique que nous voyons, mais une série d’expressions qui se juxtaposent et que l’œil confond, ce que ne fait pas l’objectif photographique, et c’est cet ensemble d’expressions qui nous donne la véritable physionomie. Il est donc tout indiqué de faire le portrait cinématographique et on aura une impression encore plus nette de la réalité en ajoutant le relief stéréoscopique. Pour cela, M. Reynaud a combiné un nouveau Praxinoscope dans lequel les images successives, prises avec l’écartement voulu pour satisfaire aux lois de la stéréoscopie, sont placées respectivement à droite et à gauche, à l’intérieur de deux couronnes tournant ensemble autour d’un axe horizontal. Des miroirs plans sont disposés au centre, comme dans le Praxinoscope primitif, mais avec une disposition nouvelle qui, déplaçant latéralement les images, permet de les observer normalement à l’aide d’un jeu de prismes stéréoscopiques ; on peut aussi les projeter sur un écran en remplaçant ces prismes par deux objectifs. De plus, les deux séries d’images sont disposées de manière à se présenter successivement aux yeux sans que, pour chaque œil, la vision cesse d’être continue. Cette disposition a l’avantage de doubler le nombre des poses au point de vue cinématographique.
Dans sa forme pratique, le stéréo-cinéma comporte les organes essentiels indiqués ci-dessus ; ils sont supportés par un pied, et l’axe qui porte les couronnes est mis en mouvement à la main au moyen d’une manivelle. Un support spécial, à hauteur variable, porte les oculaires et peut, au moyen d’une glissière et d’un bouton de serrage, se placer à distance voulue pour la mise au point.
M. Reynaud se charge de faire lui-même le négatif, soit à l’atelier, soit à domicile suivant les cas, et avec l’appareil stéréo-cinéma, il livre des positifs sur bande de papier fort qui se placent très facilement à l’intérieur des couronnes. Il suffit alors d’orienter l’appareil devant une fenêtre, ou une lampe, pour bien éclairer les images, et de tourner la manivelle pour avoir la reconstitution vivante de la personne représentée.
- La Nature, 1908