La cinématographie n'était point, jusqu'ici, à la
portée des simples amateurs, à cause des frais considérables
qu'elle entraîne et des difficultés pratiques que comporte
un outillage compliqué et encombrant. Désormais, il n'en
sera plus ainsi. Un appareil combiné et construit par M. Clermont-Huet
pour le compte de la Société The animated
Photograph, rend,
en effet, la photographie animée réellement accessible à tous.
Assurément, il n'est pas ici question de ces longues bandes pelliculaires
si coûteuses, d'un maniement possible par les seuls professionnels,
et mesurant vingt, trente, cinquante, cent mètres et davantage.
Bien plus simplement, les épreuves cinématographiques, en
nombre très réduit, mais cependant suffisant pour donner
l'effet cherché, sont enregistrées sur une vitrose circulaire
mesurant tout juste quelques centimètres de diamètre et dont
le prix de revient est à peine supérieur à celui des
plaques sensibles de dimensions correspondantes.
Deux instruments seulement sont nécessaires : l'un pour la prise
des vues et l'autre pour leur examen. Ce dernier, naturellement, variera
suivant que l'on voudra faire un examen direct des clichés obtenus
ou, au contraire, projeter ceux-ci sur un écran.
Appareil pour la prise des vues. Il comprend deux parties essentielles
: un châssis à volet formant chambre noire pour l'exposition
de la vitrose sensible et un appareil d'entraînement supportant l'objectif
photographique.
Le châssis, qui n'est pas la partie la moins originale de l'invention,
est à volet métallique semblable à ceux couramment
en usage, mais présentant en plus sur son fond, en un point convenablement
repéré, une fenêtre de dimension correspondant exactement à celle
des clichés à impressionner il supporte, en outre, un obturateur
permettant de masquer ou de découvrir cette fenêtre, ainsi
qu'une tubulure servant au montage du châssis sur l'appareil. De
plus, le centre du châssis et son volet sont percés d'un trou
destiné à recevoir un boulon dont la tige, ainsi que l'écrou
qui vient se visser dessus, sont percés d'une ouverture quadrangulaire
donnant exactement passage à l'arbre moteur de l'appareil d'entraînement.
Quant à la vitrose introduite dans le châssis, elle est naturellement
percée d'une ouverture destinée à donner passage à cet
arbre moteur, tout en étant maintenue serrée fortement entre
le boulon et son écrou, de façon à se trouver obligée
de se déplacer circulairement sous l'entraînement de l'arbre
moteur.
La fenêtre pratiquée dans le fond du châssis est ouverte
ou masquée au gré de l'opérateur par un volet semi-circulaire
mobile maintenu à l'intérieur d'une petite boîte fixée
sur la face externe du fond du châssis et se manoeuvrant au moyen
d'une bordure moletée dont les mouvements sont limités par
une goupille d'arrêt.
L'appareil d'entraînement est compris à l'intérieur
d'une boîte dont l'un des corps supporte un panneau sur lequel sont
montés les divers organes du système, soit un mécanisme
d'horlogerie constituant l'élément moteur et un obturateur
rotatif interposé entre le châssis et l'objectif placé à demeure
sur la face extérieure de la boîte. Le fonctionnement de cet
obturateur rotatif, dont le mouvement est continu et que constituent deux
disques présentant chacun une échancrure et susceptibles
d'occuper l'un par rapport à l'autre des positions réglables,
est commandé par un dispositif assurant l'intermittence de la rotation
de l'arbre destiné à entraîner la plaque à impressionner.
Ce dernier dispositif est caractérisé par la combinaison
:
1° d'une roue étoilée montée sur l'arbre qui porte
la vitrose sensible ; cette roue présente un nombre de branches
justement égal à celui des clichés que l'on devra
enregistrer;
2° d'un second arbre portant une goupille destinée h communiquer
les déplacements angulaires de la roue étoilée en
s'engageant entre les branches de celle-ci et une came dont l'objet est
d'immobiliser cette dite roue, après chaque déplacement,
en venant se loger dans une concavité présentée, à leur
extrémité, par chaque branche de cette roue;
3° d'un barillet ou d'une roue dentée actionnée par un
ressort d'horlogerie communiquant un mouvement de rotation continu à l'arbre
supportant la vitrose ;
4° d'un arbre sur lequel est calé l'obturateur rotatif recevant
son mouvement de l'arbre précédent par l'intermédiaire
d'une roue d'engrenage.
Un régulateur à force centrifugé présentant,
cette particularité essentielle que la pièce sur laquelle
les leviers portant les masses viennent buter est conique et est susceptible
d'être déplacé dans le sens de l'axe du régulateur,
ce qui a pour effet de permettre de régler la vitesse de l'obturateur
et, par suite, de régler le temps de pose.
Enfin, le système est disposé de telle sorte que l'arrêt
total est obtenu aussitôt que la roue étoilée, et par
suite le disque de vitrose sensible, a accompli un tour complet et enregistré un
nombre convenable de vues.
L'usage de l'appareil est donc des plus simples. Après avoir chargé le
châssis spécial dans la chambre noire, on l'introduit, la
fenêtre étant masquée par son obturateur, dans l'appareil à prise
de vues. Celui-ci étant placé sur son pied et le sujet à photographier
axant été repéré à l'aide du viseur
de l'instrument, on règle la vitesse de marche et l'ouverture de
l'obturateur, suivant l'intensité de la lumière. Cela fait,
en tournant le bouton moleté disposé à cet effet,
on tend le ressort moteur de l’appareil.
Pour prendre la vue, il suffit alors d’appuyer sur le bouton de déclenchement
du système.
Par suite de la rotation de la roue étoilée, la vitrose est
entraînée et ses diverses parties viennent successivement
se présenter devant la fenêtre du châssis que l’on
a pris soin de démasquer au préalable ; elles reçoivent
les images recueillies par l'objectif.
L'opération terminée, après avoir refermé la
fenêtre du châssis, on enlève celui-ci, on rentre dans
le cabinet noir, et, la vitrose enlevée, on la traite exactement
comme n'importe quelle plaque sensible impressionnée.
Pour obtenir l'épreuve positive devant servir à l'examen
direct ou à la projection, on introduit le négatif dans un
châssis-presse présentant cette particularité d'avoir
le centre de sa glace percé d'un trou de même diamètre
que celui de la vitrose. Cette disposition permet de centrer exactement
le cliché négatif et la vitrose non encore impressionnée
que l'on place derrière lui. Cela fait, le châssis-presse
est refermé et l'on expose le tout un temps convenable à la
lumière. En développant cette seconde vitrose, on obtient
directement le positif désiré.
On voit que le système donne toute facilité pour prendre
autant de vues différentes que l'on désire sans rentrer dans
le cabinet noir. Il suffit pour cela de porter un nombre convenable de
châssis chargés de vitroses sensibles.
L’examen des positifs. - Il se fait, avons-nous dit, à l'aide
de divers appareils, suivant que l'on veut obtenir une projection sur un écran
ou que l’on examine directement les épreuves enregistrées
sur la vitrose.
Pour la projection, M. Clermont-Huet a établi un
petit cinématographe
spécial extrêmement simple, dont les organes mécaniques
essentiels sont de tous points semblables à ceux de l'appareil pour
la prise des vues.
Ce cinématographe, qui n'exige point d'autre éclairage qu'une
lampe à incandescence, est actionné soit par un ressort et
un mouvement d'horlogerie, soit plus simplement à la main à l'aide
d'une petite manivelle. Naturellement, ici, le système qui obligeait
la roue étoilée, dans l'appareil pour la prise des vues, à s'arrêter
une fois sa révolution accomplie, se trouve supprimé, ce
qui permet aux images enregistrées sur la vitrose d'être successivement
projetées un grand nombre de fois. Cette disposition a pour effet
d'augmenter notablement l'illusion pour le spectateur qui éprouve
une même impression que si le disque de vitrose portait un nombre
considérable d'images.
Pour l'examen direct des positifs, M. Clermont-Huet
a imaginé un
petit appareil comportant encore les mêmes dispositions générales.
Mais, cette fois, au lieu de placer une source lumineuse avec un condensateur
en arrière des images à examiner, et, en axant d'elles, un
objectif à projection, il dispose simplement au-devant de la vitrose
une loupe qui sert à regarder par transparence chaque image au moment
de son passage devant la fenêtre de l'instrument. Ici encore, le
mouvement du système moteur est assuré soit par un mouvement
d'horlogerie, soit par une petite manivelle actionnée à la
main.
Ce dernier appareil pour l'examen direct comporte deux modèles différents
Le premier se présente sous les aspects d'une boîte renfermant
tous les organes et que l'on doit tenir à la main. Le second, d'une
disposition fort ingénieuse, consiste en un cadre d'apparence semblable à tous
ceux que l'on installe sur les tables, dans les appartements. Il en diffère,
cependant, par cette particularité que sur sa face postérieure,
se trouve aménagée une boîte renfermant le mécanisme
destiné à recevoir les clichés. Dans la bordure supérieure
du cadre, enfin, se trouve installée la loupe nécessaire à l'examen.
Ici, encore, l'entraînement du cliché cinématographique
est assuré par un mouvement d'horlogerie dont la mise en marche
s'opère en appuyant sur un bouton de déclenchement, ou par
une manivelle directement actionnée à la main.
Un des points curieux de ce dernier dispositif, c'est qu'il permet, en
quelque sorte, d'animer instantanément un portrait.
Pour obtenir une telle illusion, il suffit que dans le cadre on ait introduit,
suivant l'usage courant, la photographie de la personne dont le portrait
cinématographique se trouve enfermé dans la boîte disposée
sur la face arrière de l'appareil.
Lorsque l'on met le système en mouvement, si l'on regarde par la
loupe de visée, l'on voit tout à coup prendre toutes les
apparences de la vie au portrait que l'on contemplait immobile un instant
auparavant.
Ces divers appareils, comme l'on voit, sont extrêmement simples et
très robustes.
D'un fonctionnement sur et aisé, ils permettent d'effectuer en un
instant les changements des vitroses, c'est à- dire d'examiner des
sujets nouveaux et méritent à juste titre d'être considérés
comme une vulgarisation pratique de la cinématographie.
- G. Vitoux, La Nature, avril 1907